mardi 13 septembre 2011

Chapitre IV. Rénovation, restauration, reconstitution, restitution… mais encore ?!


Les résultats des sondages montrent une situation contrastée. Certains papiers peints sont intacts ou presque mais en partie incomplets (cage d’escaliers), d’autres sont en très mauvais états et assez lacunaires (papier peint le plus ancien des murs de la salle à manger par exemple). Dans d’autres cas, le papier peint est bien présent mais fortement surpeint (salon central). On rencontre aussi dans la plupart des pièces des strates de différents papiers mais ce n’est pas toujours « le plus ancien » qui est le plus intéressant d’un point de vue patrimonial. Enfin, dans certaines pièces, on a deux papiers peints « le plus ancien » et il est difficile de savoir lequel est « le bon ». C’est le cas du grand bureau du rez-de-chaussée où on retrouve sur un mur le papier qu’on appellera « jaune bouton d’or » et celui qui sera désigné comme « gris souris » ; sur le mur où l’un de ces papiers a été découvert, on ne trouve nulle trace de l’autre et inversement : quel est « l’original » ? Et, pour compliquer encore les choses, aucun de ces deux papiers ne se retrouve dans le petit bureau adjacent où c’est encore un troisième « plus ancien » papier qui est découvert sous d’autres couches plus récentes.

Dégagement du papier original dans le salon d'angle

Bref, comment déterminer pièce par pièce une politique de restauration ou de remplacement, tout en conservant une vision d’ensemble qui donnera une cohérence à l’ensemble en bout de course ?

Et comment concilier la volonté de restauration des décors d’origine (donc en théorie les plus anciens) avec l’inévitable perception qu’on peut en avoir de nos jours ? L’appréciation de tel ou tel papier n’est pas la même aujourd’hui, elle n’est pas la même pour tous les intervenants au dossier, pensons par exemple aux différences d’approche possibles entre le maître d’ouvrage, qui va devoir « habiter » le bien, et les spécialistes de la conservation-restauration ? Cette opposition se marquera notamment lors du choix des couleurs de remise en peinture du papier conservé dans la cage d’escaliers. Les couleurs choisies, sur base des sondages, font très peur aux utilisateurs de la maison, qui craignent de se retrouver avec une cage d’escaliers très sombre. Et, au final, ces craintes ne se sont pas justifiées et le résultat est très réussi.

Car, effectivement, la maison Hobé ne deviendra pas un musée à la fin de la rénovation : les bureaux du rez-de-chaussée sont utilisés au quotidien, la salle à manger et les salons du 1er étage sont régulièrement loués pour des séminaires, réunions, cocktails… Pas vraiment compatible avec une parfaite conservation de décors anciens, en particulier des papiers peints très fragiles, pour lesquels il faut veiller à éviter les UV, la pollution extérieure, les importants changements de température, etc.

Se posent encore les inévitables questions de coût. Dans quelle mesure est-ce possible financièrement de procéder à un dégagement minutieux de tel ou tel papier, en enlevant les couches de papiers mises ultérieurement ou en décapant la peinture apposée sur le papier ? Et est-ce que le résultat final sera à la hauteur, le papier ayant inévitablement été altéré par les remises en décor successives ?

Dégagement du papier japonais dans le salon central

Enfin, il ne s’agit pas non plus de faire du « faux » vieux et de tromper les visiteurs de la maison en leur fabriquant un décor « authentique » mais en réalité entièrement neuf, réalisé avec des techniques d’aujourd’hui.

Il faudra donc louvoyer entre toutes ces contraintes et ces réalités et tenir compte de l’ensemble des paramètres.

Chapitre III. Les sondages, la base de tout projet de rénovation


C’est donc à l’Institut Royal du Patrimoine Artistique (IRPA) que la DMS confie l’étude technique des finitions du rez-de-chaussée et du 1er étage de la Maison Hobé. La première visite de sa responsable, Madame Anne-Sophie Augystiniak, en date du 21 décembre 2004, permettra de baliser le travail à accomplir. C’est à la fin du mois de février et surtout dans la première partie de mars 2005 que cette première phase de sondages sera effectuée. Le rapport de l’IRPA, qui porte la référence 2L13 – 2004.08407, permet de découvrir des papiers peints originaux dans les salons du 1er étage et dans le bureau du rez-de-chaussée, sous d’autres couches de papier plus récentes. Il met aussi déjà en relief le papier dit « japonais » du salon central, dont on parlera abondamment par la suite, ce papier étant considéré comme le plus remarquable de ceux découverts dans la maison.

L’IRPA complètera le rapport avec une analyse détaillée en laboratoire des couches picturales des échantillons prélevés. Cette étude permettra d’avoir une stratigraphie de chaque papier et de certaines parties de boiseries et de stuc.

Très vite, cependant, il apparaît que cette étude, quoique très approfondie, doit être complétée par des sondages supplémentaires permettant de dégager des portions importantes de papier pour en cerner les motifs exacts et d’ainsi envisager des pistes de restauration. Il sera demandé à la DMS une subvention afin de pouvoir réaliser cette deuxième phase de sondages. Après un appel d’offres à quatre sociétés ou indépendants susceptibles de réaliser cette deuxième batterie de sondages, le choix se porte sur l’Atelier CONSERVART qui a une solide expérience en la matière. Début 2007, cet atelier se met au travail.

A la fin mars 2007, le rapport de CONSERVART est prêt. Très détaillé, il complète parfaitement la première étude de l’IRPA. Grâce à cette deuxième série de sondages, on apprend par exemple qu’un premier papier se trouve sous l’enduit et le ce qu’on pensait être le seul papier sur les murs du hall d’entrée. De même, le fameux papier « japonais » du salon central s’avère lui aussi être un second papier ; le papier peint antérieur, une fois dégagé, se révèlera lui aussi très beau, quoique beaucoup moins riche que le papier japonais. La théorie la plus répandue serait que, dans l’attente de la livraison du papier japonais, un premier papier « provisoire » moins cher aurait été placé, en attendant le « vrai » papier.

CONSERVART ne se contente pas de compléter utilement les sondages mais émet aussi une série de pistes pour la conservation/restauration des papiers qui seront très utiles dans la réflexion qui suivra. Déterminer les bonnes options ne sera pas simple et les décisions seront parfois différentes pour chaque pièce.

Quoi qu’il en soit, le travail de sondages effectué a permis de déterminer suffisamment les motifs des papiers découverts, ce qui sera très utile par la suite.

lundi 12 septembre 2011

2. L'intérieur de la Maison


2.1. Rez-de-chaussée

Si l’extérieur de la maison laisse déjà apprécier le souci du détail de Georges Hobé, les intérieurs vont permettre à ce décorateur dans l’âme de donner sa pleine mesure. Le bois y a une importance prépondérante, ce qui n’étonnera personne puisque, rappelons-le, Georges Hobé est ébéniste et fils d’ébéniste. La variété des essences utilisées en témoignera également.

On accède à l’intérieur de la maison grâce à un double hall. Le premier était anciennement destiné à permettre l’accueil des clients du premier propriétaire de la maison, l’agent de change Van der Stappen. Le bureau d’accueil étant situé directement à droite en entrant, les visiteurs n’avaient pas accès au hall privatif donnant accès à la cage d’escaliers. Ces deux halls sont séparés par une double porte en bois à petits-bois et verres biseautés. Anciennement, une porte, supprimée, permettait aux visiteurs d’avoir accès au cabinet de toilettes depuis ce premier hall. Les fonctions entre le hall d’accueil et le hall privatif étaient ainsi bien distinguées.



Le hall principal donne accès au cabinet de toilettes, par une porte existante à l’origine, à la cage d‘escaliers et à un vestibule donnant accès la zone de services de la maison, à l’arrière. L’accès aux bureaux du rez-de-chaussée se fait également par ce hall.

Les murs et plafonds de ces deux halls sont recouverts de 3 papiers « Art nouveau » ; dans le registre inférieur des murs, un premier papier peint épais à motif de feuilles en relief ; dans le registre supérieur des murs, un papier peint à motif végétal en relief très prononcé, séparé du plafond par une frise assortie. Le plafond est décoré d’un 3ème papier peint à motif floral également en relief. Nous reviendrons plus loin en détail sur ces papiers, leur (re)découverte et sur d’autres aspects révélés par les sondages, ainsi bien sûr que sur leur rénovation.

Les bureaux du rez-de-chaussée comportent actuellement 3 pièces en enfilade. Le premier bureau a déjà été évoqué ; il servait de bureau d’accueil pour les clients. Le second bureau est le plus grand ; une imposante cheminée en pierre y est toujours visible. Le 3ème bureau, en façade arrière, était anciennement la cuisine. Une baie de porte a été percée dans le mur constitué d’une armoire étagère pour permettre l’agrandissement des bureaux à cette pièce arrière. Les murs de deux bureaux d’origine sont recouverts de lambris en bois dans leur partie inférieure et de papiers peints à motifs floraux dans leur partie supérieure. Les plafonds de ces deux pièces sont eux aussi recouverts d’un papier peint à motif floral. Ici aussi, nous renvoyons le lecteur aux chapitres consacrés à la découverte et à la reproduction de ces papiers.

2.2. Cages d’escaliers

La liaison entre les différents niveaux de la maison est assurée principalement par une imposante cage d’escaliers en bois massif, surmontée d’un lanterneau, typique des cages d’escaliers « Art nouveau ». Les papiers peints muraux du hall se prolongent dans la totalité de la cage d’escaliers. Notons que si le dernier étage était celui des domestiques, cela n’avait pas empêché de prolonger la décoration murale jusqu’à ce dernier niveau. On trouve donc deux papiers, l’un en partie basse des murs, le second en partie haute, séparés par une baguette en bois. Les paillasses ne comportaient pas de papier selon les sondages ; ils sont actuellement enduits et peints.



Un second escalier dessert les pièces arrière, partie office et ancienne cuisine au rez-de-chaussée et cuisine actuelle au 1er étage. Cet escalier menait à l’origine jusqu’à l’entresol du 2ème étage, communiquant avec ce 2ème étage qui était l’étage des maîtres. Cet escalier permettait donc une circulation des domestiques depuis la cave jusqu’au 2ème étage où une porte située à l’entresol permet de rejoindre la cage d’escaliers principale. A une époque plus récente, cet escalier a été condamné entre le 1er étage et le 2ème pour permettre l’aménagement d’une salle de bain au 2ème étage.

2.3. 1er étage

Un vaste palier dessert toutes les pièces du 1er étage. On peut aussi accéder d’une pièce à l’autre par de grandes portes. Commençons tout d’abord par la salle à manger, dont les baies de fenêtres donnent sur la rue des Eburons. Cette belle pièce rectangulaire se présente en deux parties, une première avec un plafond assez bas, proche de la cuisine, sorte de zone de service comportant un grand miroir biseauté; ensuite la partie salle à manger proprement dite avec son haut plafond avec des cadres en bois, ses lambris, ses hautes portes comportant des vitraux en très bon état de conservation, le tout étant d’origine et de la main de Georges Hobé.

Une petite particularité pour la personne attentive : une baguette de laiton se trouve encastrée dans le parquet de sol depuis le mur jusqu’approximativement au milieu de la pièce, attirant la curiosité. Il s’agissait en fait d’une protection du fil électrique alimentant la sonnette permettant aux maîtres d’appeler les domestiques ! Après mure réflexion, plutôt que de l’enlever (et de devoir prolonger le parquet), il a été décidé de la laisser in situ ; après tout, elle fait partie de l’histoire de la pièce et témoigne de la façon de vivre de l’époque.

Le vitrail qui se trouve dans le châssis face à la porte d’entrée de cette salle à manger retient immanquablement l’attention : lorsque cette porte est ouverte, il se voit depuis le bout du palier de l’autre côté de la maison et ce n’est certainement pas un hasard. Restauré dans le cadre des travaux par Gdalewitch, ce magnifique vitrail représente une rue d’une ville indéterminée mais qui fait penser par certains aspects à une architecture médiévale ; certains y voient plutôt des ressemblances avec des villages de d’Alsace… Quoi qu’il en soit, il participe à la forte atmosphère de cette pièce.



La salle à manger est éclairée par une baie tripartite ; deux petits châssis ouvrants à arc surbaissé avec des vitres translucides colorées donnent vers la cour arrière. Les papiers peints des plafonds et murs ont été minutieusement reproduits à l’identique grâce aux fragments découverts çà et là.

Depuis la salle à manger, on peut avoir accès d’une part à la cuisine en partie arrière de la maison, mais surtout, par des grandes portes vitrées dont les parties supérieures comportent des vitraux art nouveau colorés et dans le bas des carreaux en verre biseautés, le tout en excellent état de conservation. Ces portes en 5 pans ont la particularité de s’ouvrir entièrement, permettant ainsi d’ouvrir un grand espace de réception. On accède ainsi au salon central. Celui-ci est éclairé par une grande baie vitrée donnant également sur la rue des Eburons. 



Cette pièce comporte les papiers peints les plus remarquables de la maison. Trois d’entre eux sont d’origine et ont été conservés et repeints dans les couleurs d’origine : ceux du plafond, de la frise et du registre inférieur des murs. Le registre supérieur des murs comporte toujours le papier japonais d’origine mais ayant été surpeint à de nombreuses reprises, il était impossible de le dégager pour lui donner don volume et son aspect d’origine. Il a donc été reproduit à l’identique par l’Atelier d’Offard et repeint in situ par Claire Fontaine.

On accède au salon d’angle, anciennement le fumoir, par une porte à trois battants avec vitraux Art Nouveau qui, à l’instar des portes pliantes entre la salle à manger et le salon central, s’ouvrent entièrement, permettant ainsi d’apprécier les décors sur toute la longueur de la maison. Cette pièce d’angle se caractérise bien entendu particulièrement par le bow window qui projette le visiteur dans le panorama extérieur et en particulier dans la verdure du parc du square Ambiorix. Ce bow window est l’élémént déterminant permettant d’associer la maison au style cottage dont on sait que Georges Hobé était un chaud partisan. Outre le bow window, on peut aussi désormais y apprécier les 3 papiers peints, tous réalisés à l’identique des papiers les plus anciens découverts sur les murs et plafond. L’ensemble donne une forte personnalité à cette pièce qui en impose par la richesse des formes et des couleurs. Soulignons aussi la présence du canapé-miroir, pièce datée par un cartouche de l’année 1901 ; sa présence à cet endroit est certainement d’origine, en témoignent, outre cette date, l’encastrement de ce meuble dans le lambris et les plinthes. Par ailleurs, il a été établi que Georges Hobé a personnellement réalisé des meubles comme à la villa spadoise Orizaba qui abrite un meuble encastré daté de 1894, attribué à Hobé grâce au cartouche qui figure au revers d’un des miroirs (Soo Yang Geuzaine ,Le style cottage selon Georges Hobé, Versant Sud, 2008, p. 59).

Ce salon est également accessible par le palier, tout comme le petit salon situé au-dessus de la porte d’entrée de la maison, qui est pourvu lui aussi d’un bow window, de dimension plus modeste que celui du salon d’angle. Dans cette pièce, qui communique également directement avec le salon d’angle (par une porte coulissante !) et avec le palier, le papier des murs, typiquement Art Nouveau, a été refait à l’identique du plus ancien papier trouvé sur les murs. Par contre, le papier du plafond ayant entièrement disparu (suite à un effondrement du plafond il y a quelques années), ce plafond et les moulures ont simplement été peints dans des couleurs se mariant le mieux avec les couleurs du papier peint des murs. Mentionnons également les deux frises qui encadrent ce papier qui à elles seules montrent le soin apporté à ces décors.

En ayant ainsi parcouru les plus belles parties de la maison, on ne peut qu’être d’accord avec Soo Yang Geuzaine qui, dans son ouvrage à propos de Georges Hobé, observe que « la qualité de l’agencement des espaces intérieurs, qui répondent à une logique rationnelle, est guidée par un souci de confort en adéquation avec le mode de vie et la personnalité du commanditaire » des lieux. (Soo Yang Geuzaine op.cit., p. 67). Mieux encore, pour reprendre la phrase de Georges Hobé lui-même, « ce sont les nécessités du dedans qui commandent les aspects du dehors et qui les expliquent ».

2.4. Etages supérieurs

Aux autres étages, plusieurs transformations ont malheureusement fait perdre les volumes d’origine. Au 2ème, les chambres des premiers propriétaires ont été aménagés en appartement comprenant salle de bain, cuisine, living, nécessitant pose de cloisons et faux plafonds. On ne retrouve que très peu d’éléments d’origine : les plafonds d’origine, en mauvais état, sont visibles par des trappes dans les faux plafonds ; les quincailleries des châssis (conservés) sont aussi d’origine. Au 3ème, les combles mansardés, autrefois les lieux de vie des domestiques, ont aussi été transformés par l’ajout de cloisons pour créer des chambres supplémentaires ou des salles d’eau. Et en façade, en comparant les photos anciennes et la situation actuelle, on constate qu’un chien assis a été ajouté au 3ème étage, afin de donner de la lumière naturelle à une pièce cloisonnée devenue une salle d’eau. L’ensemble des châssis de ce niveau a été remplacé par des châssis en bois double vitrage, à l’exception des châssis du palier qui sont encore les fenêtres d’origine.

Sous toiture, un grenier accessible par un petit escalier permet d’apprécier la charpente de toiture et la structure du lanterneau. La verrière surplombant le lanterneau est actuellement composé d’un ondulé translucide en matériau de type plexiglas ; ce n’est pas le matériau d’origine bien sûr. Cela affecte la quantité de lumière pénétrant dans la cage d’escaliers ; on peut supposer que la lumière était plus forte à l’origine. 



1. L'extérieur de la Maison


La maison se compose de quatre niveaux hors caves et est surmontée d’une toiture en ardoises. Les façades extérieures donnant sur le square Ambiorix et sur la rue des Eburons sont sobres et assez classiques : soubassements en pierre bleue et briques rouges de parement en forment l’essentiel mais Georges Hobé y ajoute des éléments en pierre blanche au niveau des baies de fenêtre et de porte, créant un rythme homogène dans ces façades. Mais c’est le bow window d’angle qui retient surtout l’attention. Compte tenu des dimensions de la parcelle, plus étroite en sa partie avant qu’en sa partie arrière, Georges Hobé utilise le bow window pour lier les deux façades qui ne forment pas un angle droit. De forme polygonale, la pierre blanche de ce bow window descend harmonieusement jusqu’au soubassement en pierre bleue. Le bow window se prolonge par une petite toiture en appentis en ardoises à cinq pans, jusqu’au châssis d’angle du 2ème étage.



Un second bow window, plus modeste dans ses dimensions, surmonte la double porte d’entrée à arc surbaissé de la travée de gauche. L’encadrement en pierre blanche de la porte permet la liaison avec ce bow window lui aussi surmonté d’une petite toiture en appentis en ardoises à 3 pans.

L’ensemble des baies de fenêtres du rez-de-chaussée est équipé de grilles en fer forgé, dont le dessin est similaire à celui des grilles entourant le petit jardinet avant. Les linteaux des baies de fenêtres des 1er et 2ème étages sont en pierre blanche, de même aspect que celle utilisée pour les bow window et les appuis de fenêtre. Tout comme au-dessus de la porte d’entrée, les fenêtres des 1er et 2ème étages se prolongent par des impostes à petit bois avec de petits carreaux translucides légèrement colorés.

En dessous des corniches en bois à modillons, un bandeau en pierre blanche rappelle les linteaux de fenêtres. Au-dessus de cette corniche, des chiens assis donnent le jour au 3ème étage. A noter que lorsqu’on compare des photos anciennes et récentes, on peut remarquer qu’un chien assis supplémentaire a été ajouté du côté square Ambiorix !

Trois cheminées massives en briques percent la toiture. Georges Hobé a poussé le sens du détail en y ajoutant des éléments décoratifs en pierre blanche, placés en dessous des couronnes des cheminées, de même type que celle utilisée en façade pour les linteaux, prolongeant ainsi ce rythme donné aux façades.

Du côté de la rue des Eburons, la façade se prolonge par un mur en briques, identiques à celles utilisées pour les façades avec un soubassement en pierre bleue qui prolonge celui de la façade; ce mur est percé de deux entrées de garages et est surmonté d’un bandeau en pierre formant couvre-mur.

La façade arrière donnant sur la cour est également en brique de parement mais la brique est dans des tons plus sombres que celle des façades à rue.

Placée à un coin de rue très dégagé, la maison se voit dans différentes perspectives ; depuis le square Ambiorix bien sûr, particulièrement imposante en venant du haut du square ; en remontant la rue des Eburons, la maison semble très massive de par sa longueur de façade (31,50 mètres si l’on y inclut le mur de la cour) ; une perspective peu connue et néanmoins intéressante doit être mentionnée, à savoir celle depuis le bas de la rue John Waterloo Wilson, endroit d’où la maison apparaît sous un angle très intéressant qui met notamment bien en valeur le bow window d’angle.

La zone de recul côté square se compose d’un petit jardinet côté droit et d’une allée d’entrée côté gauche, le tout entouré de grilles en fer forgé placée sur un soubassement en pierre bleue.


Chapitre II. A la découverte de la Maison Hobé


Cette « maison de maître », selon la terminologie adéquate, a été bâtie sur une parcelle de 230 m², au coin du square Ambiorix et de la rue des Eburons. Sa surface au sol est d’environ 170 m², laissant un peu de place pour un jardinet de façade ceinturé de ferronneries et pour une petite cour arrière. Sa surface bâtie total est d’environ 690 m².

Le quartier en tant que tel mériterait sans doute un long développement ; plusieurs livres ont été écrits sur le sujet. Brièvement, rappelons que ce quartier sort de terre à la fin du 19ème siècle, dans le cadre de l’urbanisation de la zone due à l’architecte de la ville de Bruxelles Gédéon Bordiau. Ce dernier conçoit la succession de squares (Marguerite, Ambiorix et Marie-Louise) et de rues latérales sur un plan incliné qui font la particularité du quartier. Ces squares sont aménagés « en rase compagne », pour l’époque. La ville s’étend et de nombreuses constructions viendront s’ériger dans ce nouveau quartier proche de la ville. Entre la fin de l’aménagement des squares et des voiries attenantes en 1880 et la fin du siècle, le quartier sera quasiment entièrement bâti ! L’époque est idéale pour voir la construction d’hôtels de maître et de maisons de maître qui rivalisent dans les audaces architecturales. Comment ne pas citer la maison Saint-Cyr de Strauwen ou l’Hôtel Van Eetvelde de Horta ! Mais de multiples autres constructions valent le détour, sur les squares bien sûr mais aussi boulevard Clovis, avenue Palmerston et on en passe. Malheureusement, la partie supérieure latérale ouest du square Ambiorix sera dénaturée complètement dans les années 60 par la construction d’immeubles à appartements type cage à poules qui ont brisé le rythme exceptionnel de l’aménagement du quartier qui conserve néanmoins plus que de très beaux restes, pour peu qu’on observe, depuis le square Ambiorix, la perspective vers la pièce d’eau en bas de la colline, dernier vestige de l’étang de Saint-Josse et de la vallée du Maelbeek.

La situation de la parcelle sur laquelle sera construite la Maison Hobé mérite qu’on s’y attarde. Tout porte à croire que les parcelles voisines sont déjà bâties. Il reste un terrain aux formes peu conventionnelles et pour ainsi dire pas pratique du tout. Si à l’intérieur de la bâtisse, on a l’impression de se trouver dans un parfait rectangle, en réalité, la parcelle est assez étroite au niveau du square Ambiorix (+/- 9 mètres) et s’élargit au fur et à mesure vers l’arrière pour atteindre près de 12 mètres.

Entrée de la maison avec la zone de recul

dimanche 11 septembre 2011

Chapitre I. Georges Hobé, un architecte qui gagne à être connu


Nous n’allons pas ici détailler la vie et l’œuvre de Georges Hobé. D’autres l’ont déjà fait et nous avons le plaisir de renseigner l’excellent livre de Soo Yang Geuzaine (le seul livre écrit sur cet architecte, à notre connaissance) intitulé « Le style cottage selon Georges Hobé » (Editions Versant Sud).

Néanmoins, en guise d’introduction et pour bien comprendre le contexte dans lequel cette Maison dite Hobé sera construite, il n’est pas inutile pour le lecteur pressé qui n’aura pas nécessairement le temps de consulter l’ensemble des sources biographiques de présenter brièvement Georges Hobé. Né en 1954, Georges Hobé est fils d’un menuisier-ébéniste ; il en héritera très certainement cet amour du bois sous toutes ses formes. Sachant ceci, les somptueux décors en bois de la Maison du 50, square Ambiorix prennent soudain tout leur sens. Il ne s’agit pas de décors intérieurs sous-traités par un architecte à un menuisier local. Il s’agit, dans une approche globale, d’apporter aux intérieurs de la maison le même soin qu’à la construction proprement dite en créant lui-même l’ensemble de ces décors. En ce sens, Georges Hobé est à considérer comme un architecte total qui accorde toute son attention aux petits détails. Comment ne pas le découvrir dans cette Maison ?

Georges Hobé ne travaillera pourtant pas d’emblée comme architecte. Et pour cause puisqu’il ne suivra les cours d’aucune école d’architecture. Il apprendra son métier de « simple bâtisseur », comme il le dire lui-même, « sur le tas », tout en suivant des cours de construction le soir. Il commence sa carrière en tant que décorateur dans une boutique à Anvers qui vend, notamment, des papiers peints ! En découvrant ceux de la Maison, on comprendra instantanément qu’il n’y a aucun hasard dans les décors de cette construction. Tout le côté d’artiste de Hobé y est : boiseries et papiers peints formant un décor harmonieux et personnalisé. Il créée des meubles également, ce qui lui vaut une première reconnaissance à l’époque. Des photos de la salle à manger peu après la construction montrent de belles chaises en bois qui s’harmonisent parfaitement avec le décor : pourquoi ne pas imaginer qu’elles sont dues à Georges Hobé ? Ce ne serait nullement étonnant. Ensuite, il se met à bâtir et sa production sera aussi riche que méconnue, avec des constructions à Bruxelles, Namur, Spa, Liège, La Panne, Furnes, sans compter sa participation aux « Expositions Internationales » de son temps. Il découvre l’Angleterre et le style « cottage » dont il s’inspirera dans nombre de ses réalisations dont la Maison du square Ambiorix. Comme le dira très justement Raymond Balau, auteur d’un très long article sur Georges Hobé (voir biographie), Hobé est « architecte-décorateur ». Le processus de rénovation, entamé en 2006, montrera effectivement que l’ensemble de la décoration a été conçue globalement, même si certaines zones d’ombre ou plutôt d’incertitude ne seront pas levées complètement.

vendredi 9 septembre 2011

La rénovation/restauration de la Maison Hobé


HISTORIQUE DE LA RENOVATION DE LA MAISON HOBE

 
INTRODUCTION

Tout commence le 29 janvier 2004. Ce jour-là, l’association Quaker Council for European Affairs occupante de la « Maison Hobé », dite aussi Quaker House, en référence à ladite association, reçoit un courrier adressé par la Direction des Monuments et des Sites (DMS) de la Région de Bruxelles-Capitale, qui l’informe que « dans le cadre d’une campagne de protection de bâtiments Art Nouveau, l’attention de la Direction des Monuments et des Sites a été attirée par l’immeuble sis Square Ambiorix 50 à Bruxelles », et demande une visite de l’intérieur de la Maison. Il est vrai que cet immeuble, que nous appellerons dans les pages qui suivent « la Maison Hobé », avait été déjà ouvert au public lors d’éditions antérieures des Journées du Patrimoine et des W-E Art nouveau organisés par l’association Voir et Dire Bruxelles. Plusieurs milliers de personnes l’ont déjà visitée. Mais l’intérêt pour la Maison a pris un tour nouveau. Cette fois, c’est une historienne de l’art, Michèle Herla, mandatée par la DMS, qui visite la maison le 20 février 2004, en compagnie de Xavier Verhaeghe, régisseur des lieux.

Son rapport à propos des décors intérieurs de la Maison sera probablement élogieux, même si malheureusement il ne sera jamais communiqué comme tel aux occupants. Le 13 mai 2004, moins de trois mois après cette visite, les choses s’accélèrent. La DMS informe par courrier les occupants de la Maison que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, à l’initiative du Secrétaire d’Etat en charge des Monuments et Sites, Monsieur Willem Draps, a entamé le 6 mai 2004 la procédure de classement comme monument de la Maison.

On peut donc constater qu’en un temps assez rapide, la Région a analysé la situation et pris les décisions qui en découlaient. Qui a dit qu’à Bruxelles les institutions ne fonctionnent pas vite et bien ? Ce sera d’ailleurs une constante dans le processus de décision et d’accompagnement de la rénovation de la Maison : du côté des autorités bruxelloises, tout se fera toujours rapidement et efficacement, nous y reviendrons.

Le courrier de la Région, envoyé par la DMS, contient déjà les prémices du futur plan de rénovation de la Maison. On peut y lire en effet que « Considérant la qualité exceptionnelle des décors intérieurs de cette habitation, la Direction vient de demander à l’Institut Royal du Patrimoine Artistique d’effectuer une recherche approfondie sur différentes pièces : hall d’entrée, cage d’escaliers et tout le 1er étage. (…) Cette étude vous permettra, selon vos souhaits, de diriger une éventuelle restauration, en connaissance de cause ». Tout est dit dans ce dernier morceau de phrase : il ne s’agira pas de rénover la maison n’importe comment…

L’arrêté du Gouvernement du 6 mai 2004 entamant la procédure de classement de la Maison comprend une annexe I qui donne tout d’abord une description détaillée de l’extérieur de l’immeuble. Suit ensuite le détail des décors intérieurs qui avaient certainement retenu l’attention de Michèle Herla. On y lit notamment que « le vestibule, le hall d’entrée et la cage d’escaliers sont décorés d’un luxueux papier peint à motifs en relief de style Art Nouveau ». Ensuite, pour le salon central, la note fait remarquer « le subtil décor constitué de trois différents types de papier Art Nouveau à motifs en relief ». Ce ne sont, à cette époque, que les papiers visibles parce que les différents campagnes de sondages qui seront effectués ensuite dévoileront d’autres aspects insoupçonnés de la variété extraordinaire des papiers peints qui ont été utilisés pour décorer cette maison. Mais n’anticipons pas !

Le texte met également en valeur le talent incomparable de Georges Hobé (voir chapitre ..). « La maison conserve dans son intégralité un aménagement intérieur entièrement dessiné par Hobé, en parfaite harmonie avec les façades (…) Le mobilier décoratif (constitué de lambris, portes et chambranles, parquets, vitraux, huisserie, etc.) maintenu dans un parfait état, est d’une exceptionnelle qualité, témoignage du savoir-faire de Hobé, grand créateur de mobilier ».

La Maison sera finalement classée comme monument par arrêté du Gouvernement le 9 février 2006, soit bien avant la fin du délai de deux ans prenant cours à la date du premier arrêté entamant la procédure de classement daté, rappelons-le, du 6 mai 2004.

L’aventure de la rénovation de la Maison peut commencer ! Tous les ingrédients de base sont en place. Mais avant tout projet de rénovation, il s’agira de mieux connaître la Maison, ou plutôt même de découvrir ses trésors cachés, sans oublier de partir à la rencontre de Georges Hobé lui-même.